La pirate solitaire...

Je soulève péniblement les paupières. La première chose que je vois est une longue plage de sable s'étendant au pied hautes falaises de roche sombre. Mon épée est fichée dans le sable, à côté de moi. Je me redresse. Un vent frais me caresse le visage. Je me retourne. La mer se déploie devant moi, immense et ondulante, ridée d'écume, sous un ciel de plomb. Je me relève et étouffe un grognement de douleur. Après quelques efforts je parviens à me mettre debout. Je m'étire lentement, histoire de dégourdir mes membres. Mes vêtements sont trempés et même déchirés par endroits, mais peu m'importe. Une joie intense explose en moi. Je suis libre et vivante! J'avais parié ma vie en sautant de cette tour et j'avais gagné! "Même si cette victoire n'est pas entièrement la mienne" relativisé-je humblement. Enfin, du plus humblement que je pus, cela va sans dire. Je repense fugacement à mes compagnons, à leur mort.  Cependant cela ne pu même pas assombrir ne serait-ce qu'un peu mon bonheur. Ils savaient ce qu'ils risquaient et ils m'avaient suivis. Leur sort est regrettable, mais il ne me fait ni chaud ni froid. Telles sont après tout les lois de ce monde! Je reporte mon attention sur les falaises, à la recherche d'un endroit où grimper. J'aperçois bientôt une saillie rocheuse, assez basse. Sans hésiter, je prend mon épée, la rengaine et commence l’ascension. En temps normal, il ne m'aurait fallut qu'une petite demie-heure pour monter les trente mètres de roche. Mais  mon corps proteste férocement et la fatigue me rend moins vive qu'à l'accoutumée. Aussi mis-je bien une heure avant de parvenir au sommet. Le paysage qui s'offre alors à moi me fige net: une vaste lande herbeuse, ça et là parsemée de ruines de pierre. Je ne cherche même pas à m'orienter, le soleil étant masquer par les nuages, et entame ce que je sais être une longue errance. En omettant les quelques lapins et les corbeaux et corneilles tournoyant dans le ciel, il ne semble pas y avoir âme qui vive ici. Les cieux sombres se dispersent progressivement pour finalement devenir un ciel azur encombré de nuages blancs et gris, qu'arrive de temps à autre à percer un soleil de midi. Je me dirige donc, d'après ce dernier, vers le nord-ouest... Mais je me fiche de ma direction. L'aventure m'appelle!

J'ouvris les yeux. Quelqu'un venait de pénétrer dans mon royaume. Un sourire étira mes lèvres. Le Royaume d'Encre allait renaître...